Accès aux soins des populations en difficultés - INTERPRETARIAT

2014

Action chaînée avec : Accès aux soins des populations en difficultés - 2013

Porteur de l'action : Union Régionale des Professionnels de Santé - Médecins Libéraux d'Alsace (URMLA)

52 Route de Bischwiller Immeuble Le Forum, Schiltigheim

03 90 20 84 84

urmla@wanadoo.fr

http://urml-alsace.fr

Thème
Précarité

Programmes
    Programme : Réduire les inégalités territoriales et sociales de santé pour améliorer l’accès à la prévention, à la promotion de la santé et aux soins
  • Objectif Objectif 1 : Améliorer la connaissance et l'observation partagée des inégalités territoriales et sociales de santé (ITSS)
  • Objectif Objectif 2 : Adapter les politiques de prévention et de promotion de la santé aux populations concernées

Autres programmes ou dispositifs
Contrat Local de Santé Mulhouse

Contexte
L'action a été initiée en 2007 à titre expérimental au regard de la situation de l'Alsace qui occupe la 3ème place en matière de taux d'immigration. Dans les grandes villes, la population étrangère est en moyenne de 12,9 % à Strasbourg et de 15,1 % à Mulhouse. Nombre de ces patients consultent des médecins libéraux en Alsace. Les difficultés de communication avec le médecin sont aggravées par des difficultés linguistiques. L'aide des amis et des familles permet parfois de réaliser des consultations médicales sur des sujets courants. Mais dès que les problèmes de santé touchent l'intime et le grave (cancers, sida, maladies chroniques, dépression, sexualité...), il est fondamental qu'un tiers neutre et professionnel puisse intervenir pour permettre une relation médecin-malade de qualité.
Dans ce cadre, en partenariat avec Migrations Santé Alsace, et le soutien du GRSP puis de l'ARS, l'URMLA propose depuis 2007 aux médecins libéraux d'Alsace de bénéficier des services d'interprètes professionnels lors de leurs consultations avec des patients migrants, dans plusieurs langues.
Après mise en place de cette offre dans la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS), le projet s'est étendu à la Communauté Urbaine de Mulhouse (M2A) au titre du CLS Ville de Mulhouse.
Cette action permet de promouvoir un accès aux soins de droit commun aux patients les plus défavorisés, en-dehors de toute contingence familiale. En outre, en introduisant un professionnel tiers non soignant dans le colloque singulier médecin/patient, elle facilite le travail du médecin libéral.

Objectif de l'action
* Objectifs généraux :

1. Faciliter l’accès aux soins en médecine libérale des patients en difficulté socio économique et culturelle.
2. Réduire les inégalités territoriales et sociales de santé pour améliorer l'accès à la prévention à la promotion de la santé et aux soins.

* Objectifs opérationnels :

* Objectif intermédiaire 1 :
- Permettre aux populations migrantes de la CUS (Communauté Urbaine de Strasbourg) et de la M2A (Mulhouse Alsace Agglomération) de bénéficier d’un service d’interprétariat professionnel médical de qualité lors de consultations en médecine de ville.

* Objectifs opérationnels se rapportant à l’objectif intermédiaire n° 1 :

* Objectif opérationnel 1 :
- Communiquer auprès des médecins utilisateurs et non utilisateurs sur les modalités concrètes de recours à un interprète professionnel

* Objectif opérationnel 2 :
- Améliorer la régulation de l’offre d’interprétariat médical

* Objectif opérationnel 3 :
- Favoriser la réactivité du dispositif

* Objectif opérationnel 4 :
- Améliorer la qualité de l’offre d’interprétariat

* Objectif intermédiaire 2 :
- Poursuivre la sensibilisation des professionnels de médecine libérale au recours au dispositif d’interprétariat professionnel médical

* Objectifs opérationnels se rapportant à l’objectif intermédiaire n° 2 :

* Objectif opérationnel 1 :
- Poursuivre l’enquête auprès des médecins utilisateurs et des non utilisateurs du service pour identifier et réduire les freins du recours à l’interprétariat professionnel

* Objectif opérationnel 2 :
- Expliciter de façon opérationnelle le dispositif aux professionnels de santé

* Objectif opérationnel 3 :
- Communiquer largement sur le dispositif auprès des médecins libéraux et des professionnels susceptibles d’orienter le public vers un médecin utilisateur du dispositif.

Description
- Améliorer la communication sur le dispositif d’interprétariat médical
- Communiquer à travers le site de l’URMLA et différentes réunions
- Réaliser un «mode d’emploi» simple sur les modalités de recours à l’interprétariat
- Réalisation d’un guide de bonnes pratiques en matière d’interprétariat professionnel
- Améliorer l'efficacité du dispositif
- Mettre en place la possibilité de mobiliser des interprètes par téléphone si nécessaire
- Améliorer la régulation de l’offre d’interprétariat médical
- Objectiver la demande de la part des médecins et faire connaître les médecins utilisateurs du dispositif aux professionnels en charge des populations migrantes
- Fixer aux professionnels par spécialité des principes et pré-requis pour le recours à l’interprétariat professionnel, par le biais de la diffusion des modalités de recours, du mode d’emploi.

Partenaire de l'action
Migrations Santé Alsace

Année de début de réalisation
2014

Année de fin de réalisation
2014

Durée
1 an

Fréquence
Suivie

Public
Professionnels de santé, Tout public, Personnes immigrées

Type d'action
Consultation ou accueil individualisé de prévention, Prise en charge médicale

Outils et supports utilisés :

- Schéma du dispositif de recours à un interprète professionnel - Guide de l’utilisateur à destination des médecins - Film expliquant la procédure d’accès au service d’interprétariat et la manière dont se déroule une consultation avec un interprète.

Communication et valorisation de l'action
Développement de l'interpétariat professionnel sur l'ensemble de la région Alsace.
- Schéma du dispositif de recours à un interprète professionnel
(cf. annexe 1)
- Guide de l’utilisateur à destination des médecins (cf. annexe 2)
- Film expliquant la procédure d’accès au service d’interprétariat et la manière dont se déroule une consultation avec un interprète.

Financeur
  • ARS : 26 011 € €
  • Autre : URMLA (vente de marchandises, produits finis, prestations de service : 977,23 € €

Evaluation de l'action
* Indicateurs quantitatifs :

- Communications sur le site de l’URML-Alsace : Le site de l’Union propose une page dédiée à la commission Accès aux Soins. Au sein de cette page, l’axe 3 - Interprétariat professionnel en médecine libérale est présenté aux internautes.
- Consultations de l’information sur le site : non renseigné.
- Communications via les ordres départementaux des médecins : pas de communication écrite avec les Ordres en 2014. Le mode d’emploi sur les modalités de recours à l’interprétariat a été réactualisé. Il a été adressé par voie postale et mail aux utilisateurs. Il est consultable sur le site de l’Union.
- Médecins (par spécialité) : A ce jour, le service d’interprétariat n’est pas proposé par Migrations Santé Alsace.
En effet, sa mise en place reste coûteuse et chronophage et peu demandée par les médecins qui semblent lui préférer un contact direct, plus humain.
- Médecins ayant répondu (par rapport à la totalité des utilisateurs): 23/64 médecins utilisateurs 2014 (soit 36 %).
L’interprète remet ce questionnaire au médecin à l’issue de la consultation.
- Médecins saisis/à la totalité des médecins du territoire géographique ciblé : Les médecins libéraux de la CUS et de la M2A non utilisateurs du service ont été sollicités via Interface Reso pour répondre à une étude afin de comprendre les freins du recours à l’interprétariat.
- Volumétrie de diffusion/population des professionnels du territoire accessible par Interface Reso : L’ensemble des médecins libéraux d’Alsace par le biais du site de l’Union.
- Médecins sensibilisés avec focale sur M2A : Les Membres formés lors de cette soirée.
- Orientateurs potentiels identifiés sur le territoire et sensibilisés : Mme Hatice KUP, coordonnateur MSA pour le département du Haut-Rhin.
- Communications : pas de communication spécifique pour les médecins libéraux de Mulhouse Alsace Agglomération en 2014.


* Indicateurs qualitatifs :

- Analyse des réactions et retours de médecins sensibilisés. Les médecins psychiatres ont trouvé ce dispositif complexe, contraignant et chronophage par rapport au précédent. Un médecin psychiatre a même choisi de ne plus y avoir recours. Les médecins de second recours se sont sentis exclus.
- Utilisateurs satisfaits/insatisfaits par spécialité médicale du service/nombre total d’utilisateurs et motifs. Sur les 118 questionnaires «médecin» complétés, 114 (soit 97 % des répondants) ont répondu «oui» à la question, «ferez-vous de nouveau appel à un interprète ?». Il est donc aisé de considérer qu’ils sont satisfaits du service rendu.
- Date de réalisation du guide : Elaboré en 2013 et adressé en janvier 2014.
- Date et volume de diffusion : Janvier 2014 - aux 85 médecins utilisateurs 2013 et diffusion en page d’actualité du site de l’Union.
- TErritoires de santé explorés : Impossible à réaliser sans une ligne budgétaire supplémentaire.
- Consultations de l’information sur le site : 11 visites sur la page d’accueil «interprétariat» ; 11 visites sur la page dédiée à la mise à jour des conditions d’accès.
- Communications via les ordres départementaux des médecins des observations/réactions des médecins : Aucune communication. Ceci avait été réalisé en 2013 et semble difficilement compatible avec la mise en place de la régulation.
- Recueil des observations/réactions des orientateurs identifiés et sensibilisés : Pas de recueil effectué, hormis un accueil favorable des médecins lors de la soirée FMC du 15 mai 2014. En effet, outre le fait que la volumétrie horaire des 800 heures accordées par l’ARS pour couvrir l’année, les frais de déplacement des interprètes seraient eux aussi largement augmentés. L’étude souhaitée par l’Agence n’a pas été réalisée, faute de financement et de méthode de recherche probante.

Lieu d'intervention
Au cabinet médical des médecins libéraux de la CUS et de la M2A ayant eu recours au service d’interprétariat professionnel de Migrations Santé Alsace.

Niveau géographique
Territorial, Communal

Commune
Strasbourg, Mulhouse

Niveau territorial de santé
Territoire 2, Territoire 4

Niveau autre territoires de santé
STRASBOURG, MULHOUSE

Catégorisation
A1
Développement d'offres de promotion de la santé
A2
Représentation d'intérêts, collaboration entre organisations
A3
Mobilisation sociale
A4
Développement de compétences personnelles
B1
Offres en matière de promotion de la santé
B2
Stratégies de promotion de la santé dans la politique et les institutions
B3
Potentiel social et engagement favorables à la santé
B4
Compétences individuelles favorables à la santé
C1
Environnement physique favorable à la santé
C2
Environnement social favorable à la santé
C3
Ressources personnelles et types de comportement favorables à la santé
D
Augmentation de l'espérance de vie en bonne santé - Amélioration de la qualité de vie - Diminution de la morbidité et de la mortalité (liée à des facteurs de risque)

Observation
A ce jour, l'activité du dispositif en médecine libérale est de 800 heures par an, restreint aux territoires urbains d'origine.
Le principe d'accès à ce dispositif, conçu comme un dispositif d'appui aux médecins libéraux lorsqu'ils accueillent des patients en situation de précarité, comme c'est majoritairement le cas pour les migrants non francophones extracommunautaires, est celui de la gratuité pour les médecins utilisateurs et les patients usagers, tout en gardant le caractère professionnel de l'acte d'interprétariat.

Les prestations d'interprète sont quasiment toutes présentielles sur site : cette méthode permet les meilleurs résultats et la meilleure qualité du soin. Le succès du dispositif a été important depuis sa mise en place, l'ensemble des spécialités de ville ont recouru au dispositif lorsque ça a été possible. La psychiatrie libérale à Strasbourg a développé une intense activité, expliquée par :

- d'une part la nature de la pratique à Strasbourg, très orientée vers la psychothérapie, l'ouverture des psychiatres libéraux aux problématiques de la précarité,
- et, d’autre part, l'accompagnement de l'association de formation Parole Sans Frontière, dont les praticiens avaient créé une consultation de psychiatrie interculturelle hospitalière au CHU de Strasbourg.

Concernant le volume d’heures, les médecins généralistes sont devenus d'importants utilisateurs du dispositif. Le succès a été tel qu’en 2013, l'ARS a souhaité maitriser le développement afin de ne pas dépasser les capacités de financement, et risquer de mettre en danger le dispositif. Une régulation a été mise en place par l’URML-Alsace en 2014. Plutôt que d'édicter des quotas d'heures par spécialité, difficiles à calculer en raison de l'absence de référentiel de besoin par spécialité, le choix s’est porté, sur la mise en place une régulation fondée sur trois axes fonctionnels :

- Les soins coordonnés
- Les soins de santé mentale
- Les spécialités spécifiques

L'axe « Soins Coordonnés » donne aux spécialités coordonnatrices des parcours de soin (médecins généralistes et pédiatres), l'accès direct au dispositif sur la base de leur analyse du besoin de leur patient. Ils demandent l'intervention d'un interprète lorsqu'ils identifient un besoin de soin avec traducteur, programmant eux-mêmes un rendez-vous avec leur patient, soit à leur consultation, soit à celle d'un spécialiste correspondant, avec son accord. Cette méthode permet de mieux adapter la prestation au besoin, à la langue parlée, et stabilise la réalisation de la prestation. Ainsi, les RV manqués par défaut de compréhension sont plus rares. En revanche, cette régulation a eu pour effet notable de réduire de façon importante le nombre de consultations réalisées par les spécialités non coordinatrices. Il est à craindre que l'accès à la médecine spécialisée soit entravé pour ces publics. Il est difficile de connaitre l'impact résultant sur la qualité des soins puisque les patients restent pris en charge par le médecin coordonnateur, ce qui permet la réalisation des soins. On voit d'ailleurs se développer un groupe de médecins utilisateurs de façon régulière de ce dispositif : leur pratique a manifestement évolué. Cet axe représente le plus gros volume d'activité, celui qui est privilégié : 550 heures par an sur les deux sites urbains de la CUS et de la M2A.

L'axe « Santé Mentale » est là pour répondre aux besoins que les psychiatres ont mis en évidence :
- Les migrants non francophones présentent de fréquents problèmes de souffrance psychique,
- et Les psychiatres libéraux sont des professionnels de santé qui prennent en charge ces patients, alors que bien souvent ceux-ci sont a priori renvoyés vers la psychiatrie publique.
La prescription de l'ARS a été de réduire de façon notable cette activité, jugée inflationniste, et qui réduisait la disponibilité des financements pour les autres spécialités. Pour cet axe, un volume total de 200 heures a été affecté. Un volume d'heures d'interprétariat est attribué à chaque psychiatre qui en fait la demande en fonction de sa propre prévision d'activité évaluée en début d'année, puis en cours d'année selon les disponibilités restantes. Le psychiatre gère ensuite ce volume horaire selon ses besoins : consultations itératives, ou regroupées pour un même interprète dans une langue donnée.

L’axe « Spécialités spécifiques » : L'ophtalmologie et la gynécologie accèdent au dispositif de façon directe et non régulée, afin d'encourager leur développement. Le bilan de cette modification, après une année est mitigé :
- Le financement a été respecté, le dispositif a fonctionné tout du long de l'année sans interruption ni alerte. C'est un réel avantage, chaque année précédente se terminait en catastrophe, avec des ruptures de suivi préoccupantes.
- Les soins coordonnés ont répondu à leurs objectifs, mais il paraît se développer un corps de médecins habitués au recours à l'interprétariat, alors que d’autres médecins de ces spécialités n'y recourent pas, jugeant la procédure trop lourde. Les patients en pâtissent ils ? Par ailleurs des doutes sur l'impact en termes d'entrave à l'accès aux spécialités pour les migrants non francophones.
- Les soins psychiatriques ont fortement diminué : la gestion des quotas par chaque psychiatre est lourde, ce qui les dissuade de s'engager dans les prises en charge de patients non francophones. Ils expriment la crainte de devoir rompre une prise en charge sur le long court par défaut de disponibilité des prestations. Par ailleurs, ils ont du mal à s'intégrer dans un dispositif de soin coordonné en se tournant vers le médecin généraliste de leur patients lorsque ceux-ci les sollicitent directement, alors que cette possibilité leur est bien entendu offerte comme à tout spécialiste correspondant : en premier lieu pour des questions de confidentialité, les patients ne souhaitant pas que leur médecin traitant soit informé de leur démarche psychiatrique, mais peut être aussi parfois en raison d’une moindre habitude de la coordination des soins avec les médecins traitants ?
- Le dispositif n'a pu être développé sur d'autres territoires, le financement ne le permettant pas de façon autre qu'occasionnelle, et les candidats hésitant à s'engager pour ensuite interrompre des prises en charge.

Les perspectives sont dépendantes de l'investissement en développement :
- Recherche de financements complémentaires
- Expérimentations sur de nouveaux sites géographiques ou fonctionnels : territoires demandeurs (centres urbains fréquemment), ou modes de fonctionnements (Maisons de Santé, Réseaux de soin)
- Organisation des utilisateurs (les psychiatres pourraient s'organiser par exemple) - Disponibilité et proximité des interprètes : le site de Mulhouse n'a démarré qu'une fois que l'association MSA a pu installer une antenne locale dont la coordinatrice assure une fonction d'animation d'une équipe locale, et de mise en lien avec les professionnels de santé. - Réflexions sur des prestations d'interprétariat à distance, par téléphone ou visioconférence. Ces solutions, séduisantes sur le papier, sont cependant très lourdes en terme d'organisation technique (les interprètes ne sont pas disponibles en permanence, au fil des besoins des soignants, les visioconférences nécessitent une infrastructure technique très lourde). Les couts de ces solutions sont, à ce jour, rédhibitoires.

Il parait en conclusion nécessaire de permettre au dispositif tel qu’il existe de se stabiliser, et de tenter des développements expérimentaux sur d’autres territoires selon des modalités adaptées aux besoins de ces territoires. Une communication régulière sur cette question dans les territoires de santé, via les structures de concertation (CLS par exemple) serait utile, afin de provoquer des demandes et des sollicitations. Une ligne budgétaire complémentaire spécifique pour le développement et l’expérimentation est indispensable.